[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Umail790.J 479 Art. 7. « Les biens vendus seront francs de toutes rentes, redevances ou prestations foncières, comme aussi de tous les droits de mutation, tels que quint, requint, lods et ventes, reliefs, et généralement de tous les droits seigneuriaux ou fonciers, soit fixes ou casuels, qui ont été déclarés rachelables par les décrets des 4 août 1789 et 15 mars 1790 ; la nation demeurant chargée du rachat desdits droits, suivant les règles prescrites et dans les cas déterminés par le décret du 3 de ce mois, et 'le rachat sera fait des premiers deniers provenant des reventes. » M. de La Rochefoucauld. Le décret par lequel vous avez hier soustrait les municipalités à l’obligation qui leur était imposée de donner des sûretés pour le payement des acquisitions qu’elles auront faites est en opposition avec celui du 9 avril, quia, au contraire, exigé que la municipalité de Paris donnât des cautions. Vous ne pouvez vous empêcher de prendre une disposition nécessaire pour concilier ces deux décrets. M. Defermou. Par le décret d’hier vous avez décidé que les municipalités ne pourront faire des demandes qu’en vertu d’une délibération du conseil général de la commune : ainsi, la commune entière garantira les engagements contractés par ces demandes. Vous n’avez exigé une caution de la ville de Paris qu’à cause qu’au moment des propositions qui ont été faites, la commune ne pouvait être convoquée pour donner cette garantie. M. Duport. Il serait extrêmement dangereux pour la Constitution qu’on pût vous amener, par des considérations subséquentes, à abroger un décret sanctionné par le roi et répandu par une proclamation solennelle. Une caution était inutile ; vous recevrez directement les fonds qui ne seront pas confiés aux municipalités, et les biens que vous leur aurez vendus seront toujours une caution assurée. Les motifs qui vous ont déterminés hier à ne pas exiger de sûretés n’ont pas cessé d’exister depuis ce moment. M. Delley d’Agfer. Vous avez un article qui prévoit le cas où une municipalité serait obligée d’emprunter pour faire ses payements. Il paraîtrait peut-être naturel de renvoyer à cet article l’objet de la discussion présente. M. le comte de Mirabeau. Je ne sais pas quelle espèce de confiance on pourrait avoir dans vos opérations de finances, si vous reveniez ainsi sur vos décisions, si vous donniez le mauvais exemple de revenir sur des décrets sanctionnés, et qui ont été l’objet d’une proclamation royale. Quelle idée prendrait-on de votre stabilité en finances? Défiez-vous des motifs del’intérêt particulier et de quelques spéculations privées. Il est des hommes auxquels il importe, soit d’empêcher les ventes, soit d’avilir les fonds qui doivent être vendus, à un tel point qu’un très petit nombre de capitalistes pussent les acquérir. (L’Assemblée décide qu’on va reprendre la suite de la discussion des articles du projet de décret.) M. de Delley d’Agier, rapporteur. L’article 7, qui deviendra le huitième du décret, est ainsi conçu : « Art. 7. Seront pareillement lesdits biens affranchis de toutes dettes, rentes constituées et hypothèques , conformément aux décrets des 10, 14 et 15 avril 1790. » M. Regnand (de Saint-Jean d'Angely). Il me paraît nécessaire d’ajouter à cet article que * toutes oppositions aux ventes seront nulles de plein droit, et sans qu’il soit besoin d’un jugement. » M. Rerthereau. La prudence exige que cet amendement soit adopté. Il y a déjà, au greffe des hypothèques, des oppositions â la vente des biens du clergé de France. M. Dnpont (de Nemours ), propose de charger le comité ecclésiastique de prendre en considération le sort des particuliers qui ont prêté aux communautés religieuses, et d’examiner les actes qui justifient ces créances. On sait que beaucoup de personnes plaçaient de l’argent sur ces communautés, et en recevaient les intérêts. Les registres de ces établissements doivent en faire foi. M. Fréteau. Il faut réserver aussi les droits des constructeurs ; cette créance est sacrée. Ces deux objets sont renvoyés au comité ecclé-sictstiquG. L’article 7, devenu le 88, est ensuite adopté ainsi qu’il suit : Art. 8. « Seront pareillement lesdits biens affranchis de toutes dettes, rentes constituées et hypothèques, conformément aux décrets des 10, 14 et 15 avril 1790. Dans le cas où il serait formé des oppositions, elles sont dès à présent déclarées nulles et comme non-avenues, sans qu’il soit besoin que les acquéreurs obtiennent de jugement. » M. de Delley d’Agier, rapporteur. L’article 8 du projet primitif, qui serait devenu l’article 9 de votre décret, portait : Art. 8. « Les baux à ferme ou à loyer desdits biens, qui auront une date certaine et authentique, antérieure au 2 novembre 1789, seront exécutés selon leur forme et teneur, lorsque leurs fermes auront été vendues en un seul lot, sans que les acquéreurs puissent, même sous l’offre des indemnités de droit et d’usage, expulser les fermiers qui seront entrés avant cette époque en jouissance des baux. Quant aux fermes qui auraient été démembrées, les acquéreurs partiels seront tenus à indemniser les fermiers selon l’usage, s’ils ne leur laissent pas continuer l’exploitation. » Messieurs, poursuit le rapporteur, nous sommes arrivés à l’endroit le plus difficile de notre travail. Il s’agit de concilier les intérêts des fermiers avec les conditions propres à encourager les acquéreurs. Le comité, après avoir examiné avec soin l’article qu’il vient de vous lire, a changé d’opinion ; il m’a chargé de vous proposer de le remplacer par cinq autres articles. M. de Delley d’Agier lit ces articles, dont toutes les dispositions ont pour but d’autoriser les acquéreurs à donner congé au fermier, après néanmoins lui avoir fourni des indemnités qui demeureront fixées au tiers des fermages qu’il devait payer pour le reste du bail. M. Rewbell. Je m’étonne que des législateurs se soient changés en légistes pour avoir égard à la loi Emptorem , en dérogeant à dea lois locales 480 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [H mai 1790.] conformes aux principes de la justice. Les fer-miers avaient contracté dans la persuasion où ils étaient que, tenant à ferme des biens ecclésiastiques, leur baux ne seraient pas rompus; ils ont établi leur exploitation en conséquence. La première 'partie de l’article que le comité a proposé d’abord est donc conforme à l’équité ; la seconde partie est injuste. Les nouveaux articles confirment entièrement cette injustice. Gomment se peut-il qu’après avoir fait pénétrer dans les provinces le projet de décret imprimé, qui y a porté des espérances bien légitimes, le comité vienne nous présenter, quoi? la guerre civile! Ici ma tâche devient pénible ; je suis obligé d’indiquer des faits que l’Assemblée a besoin de connaître et de méditer. Un député, membre du clergé d’Alsace, a fait imprimer et répandre une protestation dans laquelle on dit au peuple : « Vous allez être, par la vente des biens ecclésiastiques, réduits à la mendicité; les juifs vont acquérir les biens que vous exploitez... » Les Chambres ecclésiastiques de Spire et de Strasbourg ont écrit des lettres circulaires pour engager tous les bénéficiers et toutes les maisons religieuses à refuser les déclarations aux commissaires qui seront chargés de faire les inventaires, et à protester contre les décrets de l’Assemblée nationale. J’ai entre les mains un modèle de protestation qui m’a été remis par un bénéficier d’Alsace, etj qui est dûment signé. On s’occupe en ce moment d’une protestation générale contre tous les décrets relatifs à la vente des biens ecclésiastiques. Les signatures recueillies dans les campagnes sont déjà au nombre de quinze mille dans la basse Alsace, et six mille dans la haute. Par qui ces signatures sont-elles données ? par les parties intéressées, les fermiers. Cette protestation a pour motif le maintien de la religion catholique, apostolique et romaine, et la crainte de voir établir un autre culte public. Il faut observer qu’on trouve parmi les signataires un très grand nombre de protestants et de luthériens. Ces faits, dont nous administrerons la preuve, s’ils sont contestés, nous sont connus officiellement. Toutes les lettres qui nous sont adressées nous annoncent qu’il n’est qu’un seul moyen de rassurer les gens de la campagne: c’est de vendre en maintenant les baux. D’après l’esprit de vos premières décisions, d’après l’opinion de la partie bien pensante de cette Assemblée, et d’après le premier avis du comité, nous avons cru pouvoir faire espérer que ces baux seraient maintenus; nous avons envoyé le projet du comité; nos commettants ont cru leurs espérances presque réalisées : ne serait-ii pas dangereux de leur dire maintenant qu’ils se sont trompés?... Je propose de décréter que les biens ruraux, affermés antérieurement au 2 novembre 1789, ne pourront être vendus qu’à la charge de l’entretien des baux. M. Dupont (de Nemours ). L’intérêt des campagnes n’est pas que les baux soient entretenus ; au contraire, l’expulsion des fermiers est un moyen de faire participer un grand nombre d’individus aux ventes qui sont décrétées ; si les baux ne sont pas rompus, on ne pourra acheter que des corps de fermes en entier... Ainsi l’entretien des baux est un obstacle à la vente et à la division des propriétés. On a dit, et c’est l’objection la plus raisonnable, que les fermiers n’avaient pas dû s’attendre à la rupture de leurs baux ; mais les baux n’étaient-ils pas résiliés à la mort de chaque titulaire ? Pour réunir toutes les opinions, je propose de décréter que les indemnités seront réglées de gré à gré, et que, dans le cas où les parties ne pourront s’accorder, ce règlement sera fait par le directoire du district ou du département. M. Merlin. L’avis du comité était d’abord réellement conforme à la rédaction proposée par M. Rewbell. J’avais moi-même présenté un article qui avait été adopté à une grande majorité ; avant-hier un membre est survenu : il a proposé des idées plus financières que justes. M. Dupont a fait changer l’article dans un moment où le comité était très peu nombreux. On veut vous faire craindre de manquer d’acquéreurs si les fermiers ne sont pas expulsés; vous devez, sur toute chose, craindre d’être injustes. On veut confirmer la loi Emptorem. Est-ce une de ces lois que la sagesse des législateurs romains a rendues respectables? Non ; c’est une décision ministérielle, c’est un simple rescrit d’un empereur; elle est souverainement injuste, puisqu’elle autorise le vendeur à transmettre à l’acquéreur une faculté qu’il n’a pas lui-même. Vous ne pouvez consacrer cette loi ; ce serait souiller votre législation dès son berceau; d’ailleurs vous vous aliéneriez les provinces frontières, qui sont les plus riches en biens ecclésiastiques. Vous venez d’apprendre ce qui se passe en Alsace; vous ignorez qu’en Artois les ennemis de la Révolution incendient les villages, afin de mettre les habitants des campagnes au désespoir : ne les aidez pas à consommer leurs funestes desseins ; ne croyez pas que tous les biens ecclésiastiques soient affermés en grosses parties; ne pensez pas non plus que le dédommagement qu’on vous propose d’accorder soit une véritable indemnité : il n’y a point d’indemnité réelle pour un fermier qui est forcé de quitter son exploitation avant l’expiration de son bail. Il a été obligé de faire des avances considérables pour entrer en jouissance; s’il cesse de jouir, il faut que tout à coup il vende ses bestiaux, etc. Cette vente si subite ne peut se faire qu’à une très grande perte. Je propose de revenir au premier avis du comité, qui avait été rédigé en ces termes: « Les baux à ferme ou à loyer desdits biens qui auront été légitimement faits, et qui auront une date certaine et authentique, antérieure au 2 novembre 1789, seront exécutés selon leur forme et teneur, sans que les acquéreurs puissent, même sous l’offre des indemnités de droit et d’usage, expulser les fermiers. » M. Dupont (de Nemours). C’est une règle générale, que quiconque est chargé de la rédaction de l’avis d’un comité doit se renfermer uniquement dans cet avis. J’avais été chargé de la rédaction de l’article 10; je me suis conformé à cette règle : mon opinion n’était pas absolument la même que celle du comité; mais je pensais qu’ayant la faculté de payer dans douze années, presque tous les fermiers du royaume étaient en état d’acheter leur ferme. Je ne m’attendais point à être inculpé, et je crois que si vous m’avez accordé quelque considération comme financier, vous m’en avez accordé davantage comme homme de bien et comme ami de la prospérité. M. le Président consulte l’Assemblée qui rejette les nouveaux articles proposés pour remplacer l’article 8 primitif. L’article 8 amendé est ensuite mis aux voix et adopté; il devient l’article 9 du décret et porte :