SÉANCE DU 22 BRUMAIRE AN III (12 NOVEMBRE 1794) - N° 5 145 Cette compagnie ne serait composée que de jeunes citoyens de 15 à 18 ans et même plus jeunes s’ils avaient la force et le caractère, elle prendrait son tour de garde pour la section et les postes extérieurs et serait toujours prête à marcher dans les endroits ou la patrie et la représentation nationale seroient menacées. Cette compagnie serait sous les ordres des comités militaires et de salut public ainsi que sous ceux du commandant de bataillon, elle serait aussi sous la surveillance du comité d’instruction publique et des autorités de la section. Nous espérons, citoyens, que notre voeu sera rempli et que nos pères ne nous refuseront pas l’autorisation que nous leur demandons. Élevés dans l’exercice et le maniement des armes par le citoyen Rossier, notre instituteur qui, depuis plus de cinq mois ne cesse de nous mener au bonheur que doivent desirer des républicains, nous manquerions à la reconnoissance si nous ne vous disions qu’il y met tout le zele et l’activité possibles, nous sentons qu’il a beaucoup de peines nous voudrions lui en donner moins qu’il n’en a mais que peut-on désirer de jeunes adolescens, nous ferons cependant en sorte par notre attention à suivre et executer les leçons qu’il s’empresse de nous donner, que nous mériterons, avec ses soins et notre exactitude, la gloire à laquelle nous aspirons en assurant en même tems de notre reconnoissance tous les membres qui composent cette assemblée. Si l’assemblée croit pouvoir acquiescer à notre demande, nous la prions d’examiner le projet suivant que nous soumettons à sa discussion. Projet L’assemblée générale de la section du Mont-Blanc sur la demande que lui font les jeunes citoyens qui demeurent dans son arrondissement de se former en compagnie, considérant que l’article 119 de la Constitution porte que tous les Français sont soldats et qu’ils doivent tous s’exercer au maniement des armes, que par conséquent tous les citoyens composant la république, doivent être toujours prêts à marcher dans tous les endroits ou les intrigans et les malveillans, auxquels elle jure haine éternelle, voudraient nous ravir notre précieuse liberté. Qu’il n’y a pas de plus bel âge pour se livrer à la maneuvre et au maniement des armes que celui de l’adolescence. Et que ce n’est que l’accord et l’union qui fait la force, autorise et même invite tous les jeunes citoyens de 15 à 18 ans qui sont enrôlés dans les compagnies composant la force armée de la section et tous ceux qui ne le sont pas encore, de se former en compagnie qui sera appelée celle des adolescens. Et arrête : 1°. Que cette compagnie sera sous les ordres du commandant de bataillon et sous la surveillance des comités civil et d’instruction publique de la section. 2° Que les jeunes citoyens qui la composeront présenteront incessamment à l’assemblée générale, 1° le procès-verbal contenant la nomination aux grades d’officiers, laquelle ne sera faite qu’en présence de citoyens pour admettre ou rejetter les élus ; 2° et le réglement de la compagnie qui ne pourra être fait qu’à l’instar de celui de la garde nationale pour passer à la censure et être ensuite approuvé et rectifié. 3° Que cet arrêté avant d’être définitivement adopté sera porté aux comités militaire, de salut public et d’instruction publique de la Convention nationale, en les invitant d’y donner leur adhésion. 4° Que l’assemblée générale invitera pareillement les dits comités à partager le service journalier de la garde nationale de façon qu’il y ait toujours une certaine quantité de la compagnie des adolescens. 5° Que l’instituteur se concertera avec le commandant du poste ou seront placés les jeunes gens, afin qu’ils fassent leur service avec toute l’exactitude possible. 6° Et enfin qu’après l’autorisation desdits comités et leur sanction le présent arrêté soit lû en assemblée générale, affiché et publié au son de la caisse dans toute l’étendue de la section du Mont-Blanc. A Paris ce 10 brumaire l’an trois de la République. Vive la République une et indivisible. Lanon, Lafreté, Bottaire, Mathias, Faivre. Réponse du Président (48). Citoyens, Les principes que vous venez d’énoncer au nom de la section du Mont-Blanc, sont purs; ils sont ceux des vrais patriotes que ne veulent que le bien de leur pays : ils dévoient vous mettre à l’abri de la calomnie dont vous vous plaignez ; que le peuple soit rassuré : la Convention ne fera qu’un avec lui. Toute la nation est témoin de la marche ferme et juste qu’elle a prise, sur-tout depuis la journée mémorable du 9 thermidor. Eh bien ! citoyens, elle ne s’en départira que lorsque le bonheur des Français sera parfaitement établi sur les bases étemelles de la liberté et de l’égalité : c’est ce qu’elle jure par mon organe. Elle vous invite aux honneurs de la séance. 5 L’agent national près le district de Mont-Unité, ci-devant Saint-Gaudens, département de la Haute-Garonne, fait passer six décorations militaires (49). (48) Bull., 22 brum. Moniteur, XXII, 487 ; Débats, n° 780, 743. (49) P.-V., XLIX, 119. 146 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [L’agent national du district de Mont-Unité au président de la Convention nationale, le 11 brumaire an III\ (50) Citoyen Président. Dis à la Convention nationale que les militaires de ce district qui en servant la cause de la tyrannie avait mérité d’elle une récompense, sont venus la déposer a l’administration, et c’est en me conformant à leur voeu que je te transmets six ci-devant croix de l’ordre de Louis le Tyran qu’ils avaient reçûes pour prix de leur attachement à la roÿauté. Veuillez les faire livrer au creuzet national afin que convertie sous une forme différente, elles servent a renverser de leur trône les tÿrans coalisés contre la liberté, et qui n’avaient inventé une institution semblable que pour se maintenir dans la profession de tous les crimes en augmentant le zele et le dévouement de leurs esclaves. Salut et fraternité. Mariande, agent national. 6 La société populaire de La Tour-du-Pin, département de l’Isère, après avoir remercié la Convention d’avoir fait succéder la justice à la terreur, demande le prompt jugement des représentons du peuple Carrier et Joseph Le Bon et l’invite à faire rendre compte de leur conduite aux représentons envoyés en mission par les triumvirs. Mention honorable, insertion au bulletin (51). [La société populaire de La Tour-du-Pin à la Convention nationale, le 13 brumaire an III] (52) Citoyens Représentants, Vous avez fait succéder la justice à la terreur, la probité au vol et au brigandage ; et aussitôt le paisible cultivateur a repris ses travaux champêtres, les atelliers, leur première activité et le citadin s’est livré avec sécurité aux occupations de son art. Mais l’aurore du bonheur suffit-elle pour nous en assurer la jouissance?... Le berger trop confiant qui laisse reposer, auprès de son innocent troupeau, les loups furieux qui n’agueres, y avoient porté le ravage, ne s’expose-t-il pas à le voir périr tout entier et à en être lui-même dévoré? Citoyens Représentants, cet exemple suffit : il trace parfaitement la situation des habitants de la République et la vôtre. (50) C 323, pl. 1379, p. 23. (51) P.-V., XLIX, 119. (52) C 326, pl. 1416, p. 33. Des monstres altérés du sang des Français dont ils sont déjà couverts ; qui ont porté la terreur, la désolation et la mort dans les départements, vivent en paix au milieu de vous ! peut-être, à l’instant même, sont-ils à méditer de nouveaux crimes, à ordonner de nouveaux attentats contre la liberté du peuple. Et l’on délibère méthodiquement sur les mesures préliminaires à prendre pour les mettre en arrestation quand la France, quand l’Europe, quand l’univers entier déposent contre eux ! quand les horreurs par eux commises sont affirmées par des milliers de témoins. Citoyens représentants, nous aussi nous abhorrons le sang; et nous aussi nous voulons que, par des mesures sages, la représentation nationale, notre seule boussole, centre unique de raliment des vrais patriotes, soit à l’abri des atteintes que quelques factieux achettés par l’or de Pitt, pourroient lui porter; mais c’est parce que nous la respectons, que nous voyons avec la plus amère douleur, que des membres, qui la déshonoroient siègent encore dans son sein. Le peuple est las de voir des êtres couverts d’opprobres et d’infamies, non seulement jouir de la liberté qu’ils ont souillée par tant de forfaits, mais encore paroître dans le sanctuaire des loix. Représentants d’un grand peuple outragé, la raison, la justice étemelle veulent que le coupable soit puni quelque part qu’il se trouve : les délais ajoutent à l’audace du crime et désespèrent l’innocence. En conséquence, nous nous invitons 1° à faire mettre sur le champ, en jugement, Carrier et Joseph Le Bon, dont les noms seuls, sont une opprobre. 2° Qu’en exécution de votre décret, vous fassiez rendre compte de leur conduite, aux représentants du peuple envoyés en mission par les triumvirs qu’ils servoient avec tant de zèle, et notamment à ceux qui ne sont pas rendus au sein de la Convention dans le délai qui leur étoit fixé par la loi. Suivent 43 signatures. 7 Les patriotes monaidiers d’Arles [Bouches-du-Rhône] écrivent à la Convention que son Adresse sera leur boussole et la remercient de leur avoir envoyé les représentons Auguis et Serres, qui ont frappé les terroristes dans le département des Bouches-du-Rhône et ramené le règne de la confiance. Mention honorable, insertion au bulletin (53). [Les patriotes monaidiers d’Arles à la Convention nationale, le 1er brumaire an III] (54) (53) P.-V., XLIX, 119-120. (54) C 326, pl. 1416, p. 27. Bull, 23 brum.