046 rAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1790.] M. Bergasse-liazlroule. Je crois qu’il serait préférable de laisser le comité correspondre avec es juges de Fontenay, sans faire intervenir l’Assemblée nationale. M. Voidel. Voici le projet de décret que je vous soumets : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des recherches, a déclaré que la contestation qui lui a été déférée est du ressort du pouvoir judiciaire. » Ce projet de décret est mis aux voix et adopté. M. Palasne de Champeaux fait un second rapport dans lequel il donne un détail succinct de la fermentation qui avait occasionné des inquiétudes dans quelques provinces; il fait lecture à l’Assemblée : 1° d’un écrit intitulé Adresse au Roi, et pour lequel on avait obtenu la signature de plusieurs particuliers du bailliage d’Evreux ; 2° de deux désaveux faits par devant notaires de plusieurs de ceux qui avaient signé, et qui ont déclaré l’avoir fait par erreur, et sur d’autres exposés que ceux qui se trouvent dans l’écrit. M. le rapporteur annonce qu’il est parvenu au comité des pièces qui désignent les auteurs de cet écrit, mais qu’il ne croit pas pouvoir les nommer sans un ordre de l’Assemblée. Un agite la question de savoir si ces auteurs seront nommés’et l’Assemblée ordonne qu’ils seront nommés. Én conséquence M. le rapporteur fait lecture d’une lettre datée de Vaux, et par laquelle la dame de Montvallat d’Entraygues d'Espinay Saint-Luc. écrit à la garde nationale de Rugies, et parle de l’écrit dont il s’agit, comme ayant été remis par Cette dame et son mari à l’un de ceux qui l’ont signé, et qui ont révoqué leur signature. Après ce rapport le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que J’écrit intitulé Adresse au Roi, présenté aux habitants des campagnes et paroisses du bailliage d’Evreux, signé de neuf particuliers de la paroisse de Vaux, et les pièces jointes à cet écrit, seront mises ès mains du procureur du Roi du Châtelet, auquel il est enjoint de poursuivre contre les auteurs, distributeurs et colporteurs de ladite adresse, leurs fauteurs, complices et adhérents. » M. le Président indique l’ordre du jour pour demain et lève la séauce. ASSEMBLÉE MATIONALE. PRÉSIDENCE DEM. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’àUTUN. Séance du vendredi 19 février 1790. M. üompère de Champagny , secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. M. Graultler de Biauzat , autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du soir. 11 ne s’élève aucune réclamation. M. le eomte de Brémond-d’Arg, député de Saintes, demande et obtient la permission de s’absenter pour trois semaines. M. le Président. L’ordre du jour ramène la discussion sur le projet de décret proposé par le comité ecclésiastique relatif aux ordres religieux. M. Treilhard, rapporteur, a la parole. M. Treilhard. Avant de statuer sur le traitement à faire aux religieux qui sortiront du cloître, il vous reste une question préalable à décider, Fera-t-on quelque différence entre les religieux, à raison des fonctions qu’ils remplissent ou des dignités dont ils sont revêtus dans leur ordre? Le comité ecclésiastique pense qu’il ne doit y avoir nulle distinction pour les places particulières et amovibles; mais il croit qu’on peut en établir en faveur des possesseurs de titres perpétuels de bénéfices, comme abbayes, cures, prieurés et autres. Le comité propose le décret suivant : « Les religieux qui seront pourvus de titres perpétuels de bénéfice, abbaye, prieuré ou autres, jouiront du traitement qui sera incessamment fixé ; il ne sera fait d’ailleurs aucune distinction entre les individus, à raison des emplois qu’ils occupent dans leur maison ou dans leur ordre ; en ce, non compris les frères lais ou convers. » La discussion est ouverte. M. de Coulmîers , abbé d’Abbecourt, se livre à l’examen de la nature du contrat fait par un religieux, des conditions de ce contrat par lequel il s’est frappé de mort subite... (On observe que ce n!est pas la question.) M. d’Abbecourt continue, et propose de décréter que les pensions de religieux qui quitteront le cloître seront proportionnées à la valeur des biens que les différents ordres abandonneront; que ces pensions seront au moinsde 13 ou 1,500 livres, ayant égard à la différence d’âge et d’activité ; que les religieux qui voudront vivre conventuellement se retireront dans des maisons situées dans les campagnes, ne pourront y être réunis en nombre moindre de douze, y compris le supérieur, et que ces maisons seront dotées en fonds de terre, à raison de 1,200 livres par individu ; que ces traitements seront affectés sur les fonds des communautés, et que les jésuites recevront à l’avenir le même traitement. Je ne parle pas, dit-il, des abbés réguliers; je me reprocherais de défendre ma cause devant les représentants d'une Dation juste et généreuse. M. Eiattjulnais. La question proposée est complexe; elle comprend les religieux possesseurs de titres perpétuels et les dignitaires dont les titres ne sont pas perpétuels. Pour ceux-ci, nulle différence ; pour les premiers, la décision est facile ; les abbés réguliers doivent être traités comme les bénéficiers simples ; ils deviennent tels. Les religieux-curés doivent être traités comme les autres curés du royaume ; mais il est des bénéficiers claustraux qui ne jouissent que d’une très petite partie de leur bénéfice ; le reste appartient a la congrégation. Ces bénéfices doivent être considères comme faisant partie des biens de la communauté. J’adople le projet de décret présenté par M. Treilhard, en y ajoutant que les abbés réguliers, possesseurs de titres perpétuels et non claustraux, seront traités comme les bénéficiers simples, et lés religieux-curés comme les autres curés du royaume. Dont Gerle demande que le général des Chartreux, qui n’est pas titulaire, soit compris avec les religieux qui auront un traitement plus considérable. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1190.1 047 M. Cayla de La Garde sollicite la même exception en faveur de l’abbé-général de Sainte-Geneviève. M. Camus résume les différentes observations, et propose la rédaction suivante : Il ne sera pas fait de distinction, quant au traitement des religieux qui sortiront du cloître, entre ceux qui sont pourvus de bénéfices et ceux qui n’en sont pas pourvus, si ce n’est à l’égard des religieux-curés, qui seront traités comme les curés séculiers. Il pourra cependant être accordé aux généraux d’ordres et abbés réguliers, ayant juridiction sur les maisons de leur ordre, une somme plus forte qu’aux simples religieux. On demande à aller aux voix. M. l’abbé Maury. Votis ne perdez pas sans doute de vue que l’égalité apparente serait une inégalité très réelle, très injuste. Les religieux titulaires ont des droits incontestables, puisqu’ils sont titulaires. Les religieux supérieurs triennaux, considérés avec raison comme supérieurs majeurs, ne doivent pas être confondus avec les simples religieux, parce qu’ils ont été admis à la supériorité par le choix libre des religieux mêmes. J’observe que tous les généraux sont à Rome, et que ces exceptions sont un objet trop peu important pour une grande nation qui hérite de tous les ordres religieux. J’adopte le projet de décret de M. Camus, mais il contient une équivoque qu’il faut lever. En se servant de ces mots : « entre ceux qui sont pourvus de bénéfices et ceux qui n’en sont pas pourvus, » on préjugerait la grande question de la jouissance des titulaires. Je fais aussi de mon observation sur les supérieurs majeurs l’objet d’ün amendement. M. Flsson-Jaubetft. La congrégation de Saint-Maur a droit, par les services qu’elle a rendus aux lettres, à une exception honorable ; je la réclame pour elle. M. Camus. Si l’expression que M. l’abbé Maury veut retrancher du projet de décret ne s’y trouvait pas, l’article n’existerait plus. On ne peut, lorsqu’il s’agit de décider s’il v aura une différence entre le traitement de telle oü telle classe, ne pas exprimer nommément ces classes. Quant aux supérieurs majeurs, si par impossible cet amendement était admis, je proposerais en sous-amendement « qu’ils ne jouissent de celte exception qu’après avoir rendu et apuré leurs comptes. » Je demande, au surplus, la question préalable sur les deux amendements. M. de FiimeL II faut ôter du décret le mot pourra et le remplacer par celui sera. M. Camus. Je ne me suis pas servi de ce mot sans intention. Il m’a paru convenable de réserver les moyens de faire d’autres exceptions. Par exemple, quelques religieux de la congrégation de Saint-Maur, et non la congrégation entière, car tous ses membres ne sont pas savants, ont droit à quelques égards. Dom Clément, auteur d’un ouvrage unique sur l’art de vérifier les dates, qui pendant soixante-seize ans a rigoureusement observé tous ses devoirs, ne serait-il pas digne d’une exception? L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements. L’article proposé par M. Camus est adopté et l’Assemblée décrète : « Qu’il ne sera point fait de distiction, quant au traitement des religieux qui sortiront du cloître, entre les religieux pourvus de bénéfices et ceux qui n’en sont point pourvus; le Sort de tous sera le même, si ce ü’est à l’égard des religieux-curés, qui seront traités comme les curés séculiers ; qu’il pourra cependant être accordé aux généraux d’ordre et aux abbés réguliers, ayant juridiction, une somme plus forte qu’aux simples religieux. » M. Treilhard fait lecture de l’article suivant : « Il sera payé chaque année, à chaque religieux qui aura fait la déclaration de vouloir sortir de sa maison, par quartier et d’avance, à compter du jour qui sera incessamment réglé, savoir: aux mendiants 700 livres jusquà cinquante ans, 800 livres jusqu’à soixante-dix, et 900 livres après cet âge; et à l’égard des religieux non mendiants 900 livres jusqu’à cinquante ans, 1,000 livres jusqu’à soixante-dix ans, et 1,100 livres après cet âge. » M. l’abbé Grégoire. Si un religieux était resté dans le monde, il aurait pu, avec son patrimoine, élever l’édifice d’une fortune considérable. Un religieux rendu au monde ne pourra se livrer à aucune spéculation ; il n’aura nulle ressource ; il ne peut exister que par la justice qu’il attend de vous : vous ne le réduirez pas à l'étroit nécessaire; vous ne rendrez pas illusoire la liberté qu’il retrouve par vous : ce serait pour lui une calamité funeste s’il était forcé, par la nécessité* de rester dans le cloître. Parmi les cent mille vexations de l’ancien gouvernement qui a tant pesé sur la France* on doit compter celle qui a été exercée sur un ordre célèbre, sur les jésuites ; il faut les faire participer à votre justice. Je demande que la moindre pension soit de 800 livres jusqu’à cinquante ans, 1,000 livres jusqu'à soixante-dix, et 1,200 livres au delà, et que cette disposition soit commune avec les jésuites. M. Roussillon. Je crois que l’Assemblée doit différer tome fixation de pensions jusqu’à ce que nous connaissions les revenus des établissements religieux. Dom Gerle. Si, en calculant pour fixer mon opinion au sujet des différents aperçus qui vous ont été présentés sur le nombre des religieux et sur l’insuffisance de leurs revenus, je partageais les inquiétudes qu on témoigne, je serais le premier à arrêter votre générosité]; mais comme je suis assuré de l’exagération de ces calculs, per-mettez-moi de vous représenter que la jouissance des religieux sera de peu de durée, et que leurs biens vous offrent une ressource immense. D’après ces courtes réflexions, voici une proportion qui, je le crois, concilie la prudence et la justice : « Les jésuites répandus dans les provinces et tous lés religieux profès, de quelque ordre et congrégation qu’ils soient, excepté les mendiants, recevront du receveur du département, par quartier et d’avance, 1,000 livres jusqu'à l’âge de quarante ans, et 1,200 livres jusqu’à soixante ; les sexagénaires et les infirmes dont l’état sera constaté, 1,500 livres. M. Dupont (de Nemours). J’ai tâché hier d’éta-