[Convention nationale.] Compte rendu du Moniteur universel (1). La section des Tuileries se présente en niasse. Une députation, prise dans son sein, est admise à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : (Suit le texte de la pétition de la section des Tuileries que nous avons insérée ci-dessus d'après un document de la Bibliothèque nationale.) (Vifs applaudissements. ) L'orateur. Voici l’arrêté. (Suit le texte de l’ar¬ rêté de la section des Tuileries que nous amns inséré ci-dessus d’après un document de la Biblio¬ thèque nationale.) Cette adresse est accueillie avec les plus vifs applaudissements, et excite dans l’Assemblée l’intérêt le plus touchant. Merlin (de Thionvïlle). Un Romain fonda la République, en faisant couler le sang de ses fils, qui avaient conspiré contre elle. Plus de 600 Ré¬ publicains viennent aujourd’hui vous demander que la vengeance nationale tombe sur les têtes coupables de leurs enfants. Tremblez, tyrans du Nord, cet acte héroïque est votre arrêt de mort; mais que le coupable seul périsse et l’innocent triomphe. Je demande l’envoi de deux nouveaux commissaires à Cherbourg, lesquels s’adjoindront à Laplanche, pour prendre une connaissance exacte des faits. Léonard Bourdon. La magnanimité de la section des Tuileries ne peut être dignement louée que par le simple récit des faits. Hier je me trouvai à la section, au moment où fut lue la lettre de Laplanche. A cette horrible nouvelle, partit ce cri unanime : « Que l'on fusille les traîtres. » Je demande que ce sacrifice, bien au-dessus de tous ceux que l’histoire nous a trans¬ mis, soit consigné dans nos annales, et que l’on décrète la mention honorable, en faveur de la section qui a donné ce sublime exemple. Thuriot Citoyens, nous ne pouvons' nous le dissimuler, jamais image ne fut plus grande, plus digne d’un peuple républicain. Non, les annales de l’histoire ne contiennent rien de comparable à la scène touchante qui vient de se passer dans cette assemblée. Brutus était par sa place obligé de condamner ses fils au supplice; mais ici, des pères de familles, simples particuliers, forment volontairement un jury national, pour juger leurs enfants. Concevez à quel période est porté l’amour de la patrie ! Eh ! quel homme ne tressaillera pas d’admiration, lorsqu’il saura que des pères, non pas à la preuve, mais à l’as¬ pect de la trahison, se sont levés pour demander vengeance contre leurs fils. Je suis bien loin de croire que le crime soit aussi grand qu’on l’imagine. Il se trouvait dans le bataillon des Tuileries des ci-devant marquis, (1) Moniteur universel [n° 65 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 263, col. 2]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 1, p. 75, le compte rendu, d’après divers journaux, de la discussion à laquelle donna lieu la pétition de la section des Tui¬ leries. 4 frimaire an II 24 novembre 1793 . comtes ou barons, ce sont eux qui ont fait tout le mal; ce sont eux qui, avec leur or corrupteur, sont parvenus à déterminer les délits, en prépa¬ rant ces scènes bachiques où l’aristocratie verse tous ses poisons. Au lieu de jeter dans le deuil tous ces citoyens, applaudissons-nous de pouvoir espérer qu’il n’y a qu’une portion qui soit coupable, et que l’autre n’a été qu’égarée. C’est au comité de Salut public à prendre des renseignements, à analyser tous les faits; alors la Convention prononcera. Mais, quel que soit le décret, donnons à ces ci¬ toyens un témoignage éclatant de notre estime. Sans doute, ils sont nécessairement vertueux, les hommes qui viennent vous dire : «Nos enfants paraissent coupables, nous demandons ven¬ geance contre eux. » Je demande que la Convention décrète que cette adresse sera insérée en entier dans le Bulletin, envoyée aux départements, aux ar¬ mées, aux sociétés populaires, et que les citoyens-qui l’ont votée ont bien mérité de la patrie. La Convention, . au milieu des acclamations et des eris de Vive la République ! ordonne l’in¬ sertion, l’envoi, la mention honorable, le renvoi au comité de Salut public, la transcription dans le tableau des vertus héroïques, et décrète que la section des Tuileries a bien mérité de la patrie. Un membre (Léonard Bourdon (1)] demande que Bordier, l’une des premières victimes de la Révolution, soit déclaré mériter la reconnais¬ sance de la patrie, et que son fils soit adopté par la Convention nationale. On demande et l’Assemblée décrète le renvoi de cette proposition aux comités réunis de sûreté générale et d’instruction publique; elle décrète aussi que la procédure faite à Rouen contre Bor¬ dier sera remise aux comités. Un membre [Bourdon (de VOise) (2)] propose d’y ajouter l’aiîaire de Jourdain, condamné et exécuté avec Bordier; cette proposition est adoptée (3). Suit le texte de la pétition en faveur de Bordier. d'après un document des Archives nationales (4). « Les mânes d’un martyr de la liberté ré¬ clament contre l’ignominie attachée au supplice qui fut le prix de son patriotisme. Oublié de la République entière, la réhabilitation de sa mémoire flétrie doit être l’ouvrage de l’amitié, c’est à elle à élever la voix, et vous l’entendez en ce moment, c’est l’ami de Bordier qui invo¬ que la justice du peuple français. « La République entière connaît les vertus patriotiques de Bordier, elle n’a pu oublier le dévouement, la chaleur, le courage qu’il mit à faire triompher la liberté naissante. Bien loin à cette époque de la hauteur à laquelle il est par¬ venu depuis, le peuple encensait encore l’idole du despotisme, et Bordier, dans ces premiers ius-(1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) D’après le Moniteur. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 135. (4) Archives nationales, carton F17 1007, dos¬ sier 1204. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j